Concours sur le forum

Voici ma participation au concours. Je ne pense pas que ça va effrayer mes adversaires. C'est pas brillant donc je ne pense pas gagner mais je me suis bien amusée à l'écrire. Voilà, je vous souhaite une épouvantable lecture !



Un premier frisson, un noeud à l'estomac. Il suffisait juste d'un souffle, d'un mot, d'une parole jetée au moment propice et tout s'emballait. Tout commençerait sans qu'elle ne puisse rien faire.

L'orgue était là, au fond de la salle, il suffisait qu'une main effleure ses touches en ivoire blanc et c'était tout simplement la fin. Une petite souris se faufila sur les touches glacées par le froid. Un bruit soudain la fit tressaillir.

Les grains de poussière, qui vagabondaient dans l'air, s'agitèrent de plus belle à cause de l'infime courant d'air causé par l'instrument. Un grincement retentit. L'excitation dans la salle montait doucement. Les danseurs se pressaient près de l'orgue afin de se dandiner sur le son qui émanait de celui-ci.

L'instrument vibra, seul dans un premier temps, puis il fut rejoint par un violon désaccordé. L'archet, frottant les cordes, produisit un son strident. La salle s'emplit de fausses notes dans un rythme endiablé. Ce rythme effréné, elle ne pouvait plus le supporter. Elle posa ses délicates mains sur ses oreilles afin de masquer le bruit.

D'autres instruments rejoignirent le duo infernal. La mélodie afflua et oppressa l'air environnant. Ses sens se déchaînèrent. Une frénésie l'envahit. Elle avait l'impression que la musique l’entraînait loin. Une sorte d'envol. Elle quittait la réalité.

L'orchestre improvisé s'époumona, la symphonie éclata estropiant les notes. Le ton montait doucement en crescendo et le volume s'intensifia. Rien ne semblait pouvoir arrêter cet hymne envahissant qui l'emprisonnait dans un nuage de cauchemar. Une sorte de choeur animé d'un souffle intarissable qui, à de brefs instants, s'essoufflait sur le poids de l'émotion de cette cacophonie inattendue. Le spectacle atteignit son paroxysme. L'acmé poussait les sons dissonants au bord du gouffre si reposant de la fin. La dernière note explosa tel un bouquet final manqué.

Tout se tut, il ne restait plus que l'orgue dont le son s'éteignit à son tour. C'était le calme après la tempête. Elle restait figée ne réalisant pas que le vacarme s'était arrêté. Ce qui signifiait que la fête était terminée.

Elle restait immobile alors que, petit à petit, la maison se vidait retrouvant sa quiétude habituelle. Un claquement de talons retentit dans la maison silencieuse. Elle reconnut aussitôt son pas. C'était le seul qui lui parlait. Elle l'entendit marquer un temps devant la porte d'entrée. Elle l'imagina debout devant celle-ci prêt à partir . Les talons claquèrent une nouvelle fois et la porte s'ouvrit brusquement dans une bourrasque de vent. Elle perçut cependant un « Joyeux Halloween, Paria... ».

Paria. Nom masculin signifiant une personne rejetée ou exclue. Son identité. C'était comme cela que les autres fantômes la surnommait, ou plutôt la nommait. La jeune fantôme n'avait pas de prénom. Ou plutôt elle ne s'en rappelait pas. Un jour, elle s'était réveillée et elle était devenue une fantôme. C'était les seules choses dont elle était sure. Une fantôme amnésique. Voilà ce qu'elle était.

Pourtant, la jeune fantôme voudrait tellement se rappeler. Pas pour ne plus être rejetée par ses confrères, mais pour savoir comment avait été sa vie avant qu'elle ne meurt. D'ailleurs, elle ne savait pas, non plus,comment elle était morte.

Elle n'avait nulle part où aller. Aucun point d'attache et aucun endroit à hanter. Alors que tous ses « camarades » allaient épouvanter les humains. Certains dans des endroits improbables. D'autres, en changeant de forme. Tandis que les plus enfantins se costumaient avec des draps blancs, stéréotype du fantôme basique, afin de récolter des bonbons. Elle aurait pu les suivre mais elle n'en avait aucune envie. Ils s'amusaient car ils savaient pourquoi ils étaient des fantômes. Et elle savait qu'elle les gênait plus qu'autre chose.

Mais, ce soir, la fantôme voulait s'amuser. C'était Halloween après tout. La fête réservée aux monstres, sorcières et bizarreries en tout genre. Elle décida alors de faire semblant de hanter cette maison abandonnée. De toute façon, elle ne voyait pas ce qu'elle pourrait faire d'autre.

Le vent se faufilait par la fenêtre entrouverte, gonflant légèrement les rideaux d'un rouge acidulé. Tout était calme au-dehors. Une cloche brisa la quiétude de la nuit en sonnant les douze coups de minuit. La lune étant voilée par d'obscurs nuages, la nuit était profondément noire, ce qui lui donnait un aspect lugubre.

Paria longeait le long des murs à la recherche d'une victime. Il ne fallait pas qu'elle se fasse surprendre. L'oreille aux aguets, elle tentait de déceler le moindre bruit susceptible de la faire repérer.

Pas un son. Seul le souffle des courants d'air s'engouffrant dans la maison. Juste elle et l'obscurité régnante.

La jeune fantôme s'avançait à pas de loups jusqu'à une porte. Elle tourna doucement la poignée. Ce serait trop facile de la traverser. Le cliquetis de celle-ci paraissait amplifié dans le silence ambiant. Les gonds de la porte, usés par le temps, semblaient hurler dans le noir. Elle continua sa course à pas feutrés. Son but était là devant elle. Elle accéléra. Erreur qui faillit lui être fatale.

Au dernier moment, Paria décela un meuble non identifié posté au milieu de son chemin, tel un garde prêt à sonner l'alarme. Elle l'évita de justesse. Elle tendit sa main vers un couteau se trouvant sur la table en face d'elle. Elle l'attrapa et passa son pouce sur la lame. Celle-ci ne lui semblait pas assez aiguisée. Mais cela ferait surement l'affaire. Ses doigts se referment plus fortement sur le couteau. Elle se retourna et fit face à l'objet de sa filature.

Sa proie était là. Innocente. Prête à disparaître. Elle raffermit une nouvelle fois sa prise puis leva le bras. Elle l'abaissa brutalement prête à mettre fin au jour de sa victime. Cependant la lumière s'alluma brusquement, Paria cligna des yeux et émit un léger grognement. Perturbée d'avoir été surprise, elle se tourna vers celui qui avait illuminé la scène de crime. C'était le fantôme qui lui avait souhaité un joyeux Halloween. Il brandit un doigt accusateur vers elle et secoua la tête. Puis il demanda à quoi elle jouait. L'air penaud, elle détourna les yeux. Elle ne pouvait pas lui avouer qu'elle faisait semblant de hanter cette maison. Mais surtout, la jeune fantôme ne pouvait pas lui dire qu'elle avait pris pour proie un gâteau. Une banale tarte à la citrouille. C'était tellement pathétique. Alors elle se ressaisit et avec son plus grand sourire, elle lui demanda:
- On partage?
Il rigola et lui prit le couteau des mains pour acquiescer.

Finalement, même si cela avait mal commencé, Paria avait passé un excellent Halloween.